QUETIGNY. PLUS DE 600 PERSONNES SONT VENUES ÉCOUTER LYDIA ET CLAUDE BOURGUIGNON
Compte-rendu par Jean Michot, administrateur de Veille au grain-Bourgogne en Côte d’Or.
Lydia et Claude Bourguignon, agronomes de renommée mondiale, ont animé une conférence-débat sur le thème “Vie ou mort des sols ?”.
Les organisateurs : l’association Veille au grain-Bourgogne, le collectif 21 Action citoyenne OGM et pesticides et l’association Quetigny-Environnement, ne s’attendaient pas à un tel succès : plus de 600 personnes se sont pressées tant bien que mal dans la salle Mendès-France. Dans l’assistance, plusieurs élus, dont Stéphane Woynaroski et Danièle Lamalle du Conseil Régional, ont pu assister à ce franc succès : Ce qui prouve que les impacts négatifs de l’agriculture intensive sur la santé, l’environnement et la biodiversité préoccupent les citoyens. L’accumulation de substances chimiques de synthèse dans l’air, l’eau ou le sol pose les questions de sécurité sanitaire. Ces problèmes environnementaux commencent à avoir une réelle dimension politique.
Elle est maître es sciences, lui, ingénieur agronome. Leurs relevés d’activité biologique leur révèlent que les sols cultivés en labour avec des apports d’engrais chimiques et de pesticides perdent leurs populations microbiennes et fongiques, et meurent en perdant leurs nutriments et s’érodent de manière accélérée. Comme ces informations ne suscitaient que peu d’intérêt, voire le rejet de la plupart de leurs pairs ainsi que des institutions officielles, ils décidèrent de fonder, en 1989, à Marey-sur-Tille, leur propre laboratoire d’analyse microbiologique des sols (LAMS) qui étudie, sur les plans physique, chimique et biologique, les sols agricoles et viticoles afin d’aider les agriculteurs ou leurs gestionnaires à obtenir de meilleurs rendements.
Ils interviennent principalement en France et en Europe, mais aussi dans d’autres parties du monde (Afrique, Inde, Vietnam, Laos, Amérique). Ils contestent le dogme qui consiste à croire que le sol est un support inerte qui nécessite qu’on y ajoute de l’engrais (rendant ainsi les plantes malades et obligeant à utiliser des pesticides pour les soigner). Ils indiquent que le sol contient 80% de la biomasse de la Terre et ne nécessite aucun engrais et donc aucun pesticide. Ils souhaitent que les pratiques agricoles changent et qu’on apprenne à cultiver un sol sans l’éroder.
Ils sont ainsi devenus des promoteurs, développeurs et spécialiste des techniques de restauration et préservation des sols agricoles par des techniques respectueuses de la vie du sol et de son fonctionnement en tant qu’agro-écosystème complexe. Ils prônent notamment le semis direct sous couvert, le compost, le bois raméal fragmenté, ainsi qu’un retour aux haies et à une agriculture agro-sylvo-pastorale. Les outils et concepts qu’ils ont développé sont souvent utilisés par les agriculteurs biologiques ou biodynamiques qui ont des sols beaucoup plus actifs et riches en organismes vivants et en biodiversité que ceux de l’agriculture dite « conventionnelle ».
Pourtant le labour et les techniques d’agriculture intensive continuent à être majoritairement utilisés. Choix lourd de conséquences puisque Claude Bourguignon estime que de telles pratiques entrainent une perte moyenne de « 10 tonnes de sol par hectare et par an ». Aussi, ils accusent sans mâcher leurs mots : « Sans terre, sans sol, on ne mangera pas ! ». Ce cri d’alarme est à prendre au sérieux, « car aujourd’hui, nos terres agricoles sont à l’agonie, par méconnaissance et par négligence, ceci dans l’engrainage du machinisme, qui a décuplé les effets dévastateurs du labour, et de la chimie de synthèse. De coûteuses solutions de facilité qui contribuent à stériliser les sols ». Il estime que l’agriculture européenne va obligatoirement devoir changer car elle n’est plus compétitive (92% des agriculteurs ont disparu en 50 ans), ne survit que grâce aux subventions, et génère des produits de mauvaise qualité.
Mais, alors qu’on a déjà détruit, en Europe, 90% de l’activité micro-biologique des sols, le couple Bourguignon a déploré l’absence de chaire officielle de microbiologie des sols à l’INRA ou en France (depuis que le secteur microbiologie des sols de l’Institut Pasteur a été fermé), ce qui se traduit par le manque de formation en microbiologie chez les pédologues et agronomes. Pourtant, de nombreux étudiants étaient dans la salle, et ont suscité leur envie d’en savoir plus.
Cette réunion nous a rappelé l’importance des lanceurs d’alerte à l’heure où toutes les institutions sont infiltrées par les lobbyistes, ainsi que l’utilité des associations qui se situent à l’interface entre les citoyens et les collectivités et dont le seul intérêt est d’œuvrer pour un avenir décent à destination des générations futures. Ce soir là : les citoyens, traduisant un réel besoin d’informations indépendantes par leur présence, ont su récompenser notre travail.
Résumé des propos du Couple Bourguignon
Ecoutez l’intégralité de la conférence
Consulter l’article du 14 février 2011 du Bien Public
Communiqué annonçant la conférence
"Les chercheurs, en général, n’ont pas une conscience politique ou citoyenne très développée. Ce qu’ils veulent surtout, c’est des financements pour leurs recherches, faire joujou dans leurs labos. Tant qu’on leur promettra du pognon pour les OGM, ils chercheront pour les OGM. Cette science sans conscience est à l’image des formations scientifiques actuelles : la philosophie est absente des cursus universitaires. Il ne faut pas s’étonner ensuite que seule une minorité de chercheurs ouvre les yeux et que la majorité soit carriériste et bornée. Le combat contre les OGM est essentiel pour la sauvegarde de la démocratie … ».
Ces propos sont ceux de Claude Bourguignon recueillis par Jonathan Ludd dans un article " Sale époque pour les vers de terre " publié en 2006 dans CQFD, un journal de critique sociale. Claude Bourguignon, l’ingénieur agronome dissident, dénonçait alors les ravages de l’agriculture intensive …
Aujourd’hui, l’agriculture intensive a détruit environ 90% de l’activité biologique des sols en Europe. L’abus des pesticides et des engrais chimiques détruisent la microflore et la faune des sols. Les labours et le tassement de la terre par de lourds engins causent la disparition de la matière organique. Les ravages des surfaces cultivables sont considérables dans l’arboriculture et la vigne. « Le taux de matière organique du sol est passé de 4 % à 1,4 % en cinquante ans, nous précise Claude Bourguignon, et comme toute la vie du sol en dépend, l’écosystème s’écroule : la flore et la faune. Continuer à nier les conséquences de l’agriculture intensive nous mène droit à la catastrophe. Seule une prise de conscience nous sortira de cette situation. »
L’intérêt d’une conférence
Les impacts négatifs de cette agriculture intensive sur la santé, l’environnement, la biodiversité préoccupent les citoyens. L’accumulation de substances chimiques de synthèse dans l’air, l’eau ou le sol pose les questions de sécurité sanitaire. Force est de constater que l’agriculture occupe désormais une place essentielle dans les débats autour des thématiques du "bio", des OGM, des pesticides, des semences paysannes. Avant qu’il ne soit plus temps et que les dégâts causés par l’agriculture industrielle ne soient irréversibles pour la vie de nos enfants, il faut éveiller les consciences des exploitants agricoles, celles des consommateurs comme celles de nos élus.
C’est l’intérêt de la conférence de Lydia et Claude Bourguignon : mieux comprendre l’impact de l’agriculture sur l’environnement, la stérilité des sols par l’agrochimie et les conséquences catastrophiques d’un modèle agricole qui n’a pas su répondre aux besoins de l’humanité et à la survie de l’écosystème.
Les médecins de la terre …
Claude Bourguignon est un ingénieur agronome formé à l’Institut National Agronomique Paris-Grignon, comme René Dumont. Avec sa femme Lydia Gabucci-Bourguignon, maître es sciences, ils ont mis au point une méthode de mesure de l’activité biologique des sols. L’INRA ne portant aucun intérêt à leurs travaux sur les problèmes de perte de la biologie dans les sols due aux mauvaises pratiques culturales et aux engrais utilisés en agriculture intensive, le couple démissionna de l’INRA.
Depuis les années 70, Lydia et Claude Bourguignon défendent la microbiologie des sols, envers et souvent contre tous. Ils fondent en 1989 à Marey-sur-Tille, leur propre laboratoire d’Analyse Microbiologique des Sols (LAMS), laboratoire qui analyse sur le plan physique, chimique et biologique les sols agricoles et viticoles afin d’aider les agriculteurs ou leurs gestionnaires à obtenir de meilleurs rendements. Cette initiative les conduit à intervenir principalement en France et en Europe, mais aussi en Afrique, en Inde, au Vietnam, au Laos, en Amérique du Sud et du Nord. Lydia et Claude Bourguignon sont aujourd’hui des experts référents dans la microbiologie des sols, singulière discipline désormais reconnue.
Claude Bourguignon, intervint dans le film de Coline Serreau "Solutions locales pour un désordre global". Il tient un discours clair : « l’activité biologique de la terre, la vie des bactéries, micro-organismes et autres animaux minuscules est réduite, voire quasi-nulle. La plupart des sols, aujourd’hui, sont morts ». Il explique dans le film les raisons principales de la mort des sols : la profondeur démesurée des labours et l’utilisation toujours plus intensive des engrais, pesticides et autres herbicides. Pour lui et sa femme, Lydia, « on ne fait plus d’agriculture, mais plutôt de la gestion de pathologie végétale ».
Le couple intervient aussi dans le documentaire intitulé "Bourgogne, en vert du décor", diffusé récemment par France 3 Bourgogne et a participé le 11 octobre sur France Inter à l’émission « la tête au carré » de Mathieu Vidard.
A l’invitation de Quetigny-Environnement, du collectif 21 "Action citoyenne OGM et pesticides" et de l’association Veille au grain Bourgogne, et avec le soutien financier du Conseil Régional de Bourgogne, Lydia et Claude Bourguignon seront à Quetigny le 10 février, salle Mendès France à 20h pour une conférence sur le respect de la vie du sol en agriculture.