Pesticides en Saône et Loire : la lutte contre la Flavescence Dorée a commencé !
Article mis en ligne le 30 mai 2013
dernière modification le 21 août 2013

Le premier des trois traitements insecticides obligatoires en Saône et Loire a commencé ce jour 24 juin 2013 et durera 4 jours (du 24 au 28 juin donc), engendrant une concentration très élevée de ces produits dans l’air. C’est la première année que cette lutte est rendue obligatoire par décret préfectoral dans le département. Deux autres traitements seront réalisés plus tard.

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Chaque année depuis plusieurs décennies 3 traitements insecticides sont imposés par arrêté préfectoral sur la majeure partie du vignoble français. L’objectif est de lutter contre un insecte, la cicadelle, capable de propager sur quelques centaines de mètres une maladie de la vigne, la flavescence dorée, via un phytoplasme, micro-organisme qui se multiplie dans la vigne et dans la cicadelle qui le transporte. La maladie est arrivée l’an dernier en Bourgogne par la Saône et Loire où un arrêté a déjà été pris pour obliger les traitements insecticides. Elle sera bientôt en Côte d’Or et dans l’Yonne. Veille au grain s’inquiète de tous les traitements chimiques liés à cette maladie et soutient les viticulteurs qui tentent de trouver des alternatives moins nocives pour nous et pour notre environnement.

Quelques éléments de compréhension

La maladie : la flavescence dorée

Tous les cépages ne sont pas également sensibles à la flavescence dorée (FD), le Chardonnay l’est particulièrement. Il existe des variétés très résistantes et des porteurs sains.
Le cep peut guérir, surtout s’il est isolé.
La résistance augmente avec l’âge de la parcelle.
La maladie contractée une année n’est visible sur les rameaux que l’année suivante, ce qui rend les suivis délicats.
Elle est très difficilement différentiable d’une autre jaunisse de la vigne : le bois noir.
Les moyens les plus simples de lutter contre la flavescence dorée semblent être ceux qui consistent à éviter sa propagation :

- dans les pépinières viticoles. Il est en effet impossible de détecter la FD sur les porte-greffes qui sont des porteurs sains, les pépiniéristes sont donc le premier vecteur de la maladie en commercialisant des plants contaminés (sans le savoir). Un traitement à l’eau chaude (50°C pendant 45 min) avant commercialisation suffit pour ne vendre que des plants sains mais ce traitement est délicat car si on laisse la vigne trop longtemps dans l’eau chaude elle peut mourir elle aussi ;

- dans le vignoble par l’arrachage des pieds contaminés une fois la maladie détectée.
Il semble que lorsque cette maladie s’est installée quelque part, on ne s’en débarrasse jamais complètement, et un peu partout en France on vit avec, en contenant la contamination

L’agent pathogène : le phytoplasme

Le phytoplasme circule dans la souche de la vigne et s’y conserve à vie.
Il est impossible de l’éliminer totalement car il se plait également sur d’autres végétaux (aulnes, clématites, etc.).
Seule l’eau chaude peut le tuer.

L’insecte vecteur : la cicadelle

La cicadelle est un insecte piqueur suceur, qui se nourrit de la sève des végétaux.
Elle peut être présente en grande quantité sans être porteuse de la maladie.
Elle parasite de nombreuses plantes (le trèfle notamment) : il est donc impossible de l’éradiquer.

Concrètement, quelles sont les incidences de la maladie et des traitements pour les viticulteurs ?

Si une parcelle est infectée par la FD à plus de 20 % alors elle doit être intégralement arrachée, ceci dans n’importe quel département de France. L’enjeu économique pour les viticulteurs est donc considérable.

De nombreux vignerons bio ont refusé les traitements chimiques de synthèse et ont obtenu l’autorisation de traiter d’abord avec la roténone (inefficace et aujourd’hui interdite), puis avec du pyrèthre (peu efficace), à condition d’avoir très peu de cicadelles dans leurs vignes (comptages obligatoires). Cette dérogation n’existe pas pour les pépinières, ce qui fait qu’il ne peut y avoir aucun plant légalement bio en France à ce jour.

Des vignerons bio et non bio de plus en plus nombreux refusent les traitements et adoptent d’autres stratégies :

- aucune plantation non traitée à l’eau chaude ;

- surveillance très fine du vignoble, arrachage immédiat de tout pied de vigne montrant des symptômes de la maladie et traitements insecticides du reste de la parcelle pendant au moins 2 ans ;

- renforcement du système immunitaire de la vigne (bonne agronomie, puis avec des préparations biodynamiques, tisanes et purins de plantes, argile ou autres minéraux...). Certains cépages sont moins sensibles et, quand la vigne est en bonne santé, elle peut s’en remettre. Cependant le cep atteint reste contaminant.

L’utilisation massive d’insecticides, outre qu’elle détruit l’instrument de travail des vignerons (la terre, l’environnement, les insectes auxiliaires), aura des effets à moyen terme qui produiront d’autres problèmes qui nécessiteront d’autres actions... et il faudra réparer les dégâts causés…
Cette utilisation massive d’insecticides n’est pas justifiée sur de très nombreuses parcelles : lors d’une réunion qui a eu lieu à Beaune le 2 mai 2013 les vignerons ont parlé de vallées, de coteaux infectés ou pas, l’administration, elle, parle de communes ou de département. Les communes ont été jugées infectées dès l’analyse positive d’un seul cep : 19 communes ont donné lieu à analyse, on ne sait pas combien ont été jugées infectées, et la Saône et Loire en entier aura droit à 3 traitements…

Les vignerons estiment nécessaire de réaliser des essais en plein champ pour comprendre un peu mieux cette maladie dont la propagation n’est pas explicable seulement par le modèle simple « pépinière, contamination, cicadelle, épidémie ».
La maladie semble avoir des capacités de forte résistance aux traitements par endroits, ou d’extension soudaine selon les lieux ou les années (par exemple à Plottes où elle a « couvé » pendant très longtemps avant d’exploser).

L’arrêté du Préfet de Saône et Loire

L’arrêté du Préfet de Saône et Loire (voir lien ci-dessous) a manifestement été rédigé dans la précipitation. Il semble que la maladie ait été détectée trop tard et que la réponse soit surdimensionnée et étrangement exprimée pour cette raison.
La liste des insecticides préconisés dans cet arrêté contient des produits réputés pour leur toxicité dont plusieurs perturbateurs endocriniens et un néonicotinoïde !!!
Le « Pyrévert », seul produit préconisé pour les bios, est photosensible, disparait rapidement, a seulement un effet choc et est toxique pour tous les insectes (dont les régulateurs de la population d’acariens).

Ce que nous demandons

Comme nous l’avons demandé par lettre au Préfet de Saône et Loire le 16 mai dernier (voir ci-dessous), nous demandons que :

- l’information de la population soit organisée, de façon que des mesures de protection soient prises, tout particulièrement vis-à-vis des écoles et des populations fragiles ou fragilisées ;

- le dialogue soit instauré entre les vignerons qui le demandent et les établissements et institutions spécialisés, pour rechercher et expérimenter conjointement des méthodes alternatives, à la fois moins agressives et plus globales, afin de lutter de manière durable contre cette maladie avec laquelle il va falloir dorénavant apprendre à vivre.

Vu la qualité de l’eau en 71 nous soutenons plus que jamais les alternatives aux traitements chimiques. Nous sommes donc heureux de constater que des viticulteurs, y compris non bio, prennent conscience des enjeux et nous estimons qu’il faut les encourager.
Il nous semble qu’il faudrait commencer par effectivement réaliser un comptage massif des cicadelles malades, via des analyses, et non des cicadelles seules, pour que le chiffre annoncé ait réellement un sens.
Par ailleurs, les relations du phytoplasme avec le système « plante, sol, biotope, méthodes culturales » sont apparemment très mal connues. Espérer se passer un jour des traitements insecticides passera donc obligatoirement par une meilleure connaissance de ces relations. Les viticulteurs, qui travaillent avec le biotope au quotidien, sont les mieux placés pour faire des observations et des essais in vivo si on les aide par exemple par des moyens humains.

Nous restons vigilants sur le respect des lois pour la protection de l’environnement et des citoyens. L’association Générations Futures a rappelé récemment combien l’épandage des pesticides dans les vignes n’était pas anodin et la configuration de l’habitat dans de nombreuses zones du vignoble mâconnais fait de cette décision préfectorale un vrai problème sanitaire.

Documents et liens à consulter

- Une plaquette explicative éditée notamment par AgroBio Périgord (juillet 2011)

- Echos des vignes bios écrit par le SEDARB (octobre 2012)

- Arrêté préfectoral de Saône et Loire (octobre 2012)

- Manifeste des Artisans Vignerons de Bourgogne du Sud (janvier 2013)

- Tract édité par la CAPEN (mars 2013)

- Lettre envoyée par Veille au grain au Préfet de Saône et Loire le 16 mai 2013 et qui n’a à ce jour pas reçu de réponse

- Dossiers de l’INRA